©Chris Cleave
Chris Cleave est un romancier anglais qui vit à Londres avec sa femme française et ses 3 petites têtes : 2 garçons et 1 fille. Pour en savoir plus au sujet de Chris Cleave, rendez-vous sur : |
Haute RésolutionUne chronique de Chris Cleave pour la nouvelle annéeChaque année, à peu près à la même époque, les pères de jeunes enfants prennent des résolutions pour les douze prochains mois. On peut toujours les répartir en deux catégories. La première est celle qu’on accepte d’évoquer en public. Cette année – disons-nous à nos familles – j’arrêterai de boire de la bière à l’heure du goûter des enfants, je ne frimerai pas avec des termes littéraires écrits sur le frigo avec les lettres magnétiques des gosses et je ne paniquerai pas quand je serai choisi pour accompagner les sorties scolaires. Bien moins connue est la deuxième catégorie des résolutions de papas – du genre secrètes que nous nous faisons qu’à nous mêmes. Invariablement, elles visent à ce que nous ne soyons pas cette année des sustentateurs aussi enchaînés et harcelés que l’année précédente. Une autre chose que les papas vont faire différemment cette année est de tenter de transformer leurs enfants en prodiges du football, afin qu’ils soient repérés par des chasseurs de talents et engagés dans l’équipe junior par Sir Alex Ferguson à l’occasion d’une conférence de presse durant laquelle nous serons loués à la fois pour le superbe ADN que nous leur avons transmis et pour l’engagement désintéressé dont nous avons fait preuve pour leur entrainement. Afin d’éviter toute déception, je tiens à partager mes propres résolutions de début d’année en deux groupes : les “hautes résolutions ” – celles que je me vois clairement capable de mettre en oeuvre – et les “basses résolutions”, celles qui me semblent floues et morcelées même dans mon esprit, comme lorsqu’on regarde des videos sur YouTube via une connexion par modem. En suivant cette logique, je dois admettre que mon poste de commandement secret dans les Alpes Bavaroises peut attendre encore un an alors que je suis confiant sur le fait d’arriver à écrire décemment avec les lettres du frigo d’ici le deuxième trimestre de l’année. L’avis de nos enfants sur ces plans est assez révélateur. Notre aîné de cinq ans m’a vu en train d’écrire des notes pour cette chronique, et je lui ai donc dit ce qu’était une résolution de début d’année. “Nous n’avons pas beaucoup de temps pour réaliser le travail de notre vie,” ai-je dit, “donc chaque année est importante.” “Oh,” a dit notre fils, “est-ce que c’est parce que les gens meurent?” Je lui ai dit que oui. Il m’a regardé fixement. “Tu mourras avant moi, n’est-ce pas ? ” a-t-il demandé. J’ai admis que ce serait sûrement le cas. Il fronça les sourcils et hocha la tête pensivement. “Hmm,” dit-il. “Je me demande combien de jours il te reste ?” Je lui ai suggéré que nous ne pouvions pas savoir ces choses-là. “Oh,” a dit notre fils. “Alors tu ferais mieux d’écrire tes ré- ?… tes récitations ?…” “Mes résolutions?” “Oui. Il vaudrait mieux que tu les écrives vite.” “Merci,” ai-je répondu. “Et quelles sont tes résolutions de début d’année à toi ?” Il haussa les épaules, sourit, et cria: “JOUER PLUS !” ça, au moins, c’en est bien une que je peux classer dans les hautes résolutions. |